Albrecht Dürer, autoportrait
En 1500, Dürer a peint son autoportrait le plus officiel, à presque 29 ans. Il choisit le format frontal, en usage en Europe du nord uniquement pour dépeindre les personnes de la Sainte Trinité. Sur le tableau, il est revêtu d’un manteau d’une élégance noble qui témoigne de son statut social. Sa chevelure et sa barbe sont d’un brun brillant, contrairement à sa couleur naturelle de cheveux, claire dans la réalité. Son visage sérieux, peint avec symétrie, offre un idéal de beauté et un rapprochement évident avec l’image de Jésus. Il y a ajouté une inscription en latin de style antiquisant : « Moi, Albrecht Dürer de Nuremberg, je me suis conçu de cette façon, dans des couleurs intemporelles, à 29 ans d’âge ».
Hormis la ressemblance visuelle avec Jésus, on observe un usage inaccoutumé, délibéré et polyvalent des mots « concevoir » et « éternel / intemporel ». Dürer attache une importance considérable à sa personne en tant qu’artiste et créateur ; il se voit également comme un modèle pour de futurs peintres. Dans ce tableau, Dürer se présente comme un “artiste pensant », le regard droit, envoutant, confirmant son jugement que le sens de la vue est le plus important de tous. La symétrie rigide fait allusion au concept d’harmonie qu’on retrouve dans les écrits antiques et à l’époque de la Renaissance italienne. Le portrait était exposé dans la maison du peintre comme un témoignage de son art à l’intention de ses clients autant qu’il servait de modèle à ses étudiants.
Ce tableau représente Durer comme une icone aux traits détaillés. Il ressort d’un fond noir, le regard fixé sur le regardant. Ses yeux, fenêtres de l’âme, reflètent les fenêtres placées derrière le regardant. Son visage et sa main droite forment un axe central attirant l’attention sur son importance intellectuelle et sur les outils de son art. Le tableau est rempli d’animaux mais il est calculé avec soin et met l’accent sur la majesté céleste. L’interprétation italienne qui assimilait l’artiste créateur au créateur du monde était familière à Dürer.
Le père d’Albrecht Dürer fit apprendre à son fils le métier d’orfèvre. Cet apprentissage précoce ancra en lui les fondements de son travail individuel et façonna son talent pour les gravures raffinées. Les mains dépeintes dans les portraits sont un langage à part soi lorsqu’elles arborent un objet comme une bague ou une arme ou quelque autre signe emblème de statut social. Des mains fines et raffinées témoignent d’une personne raffinée et admirable. Des mains fines authentifient un homme à l’esprit élevé, attache à sa foi. La signature de Dürer apparait toujours sous une forme qui évoque une clepsydre. Elle indique peut-être un memento mori pour une personne pieuse qui contemple le Jugement Dernier. La présence de l’inscription et de la signature constitue en fait un autre portrait dans un même cadre.
On a à faire avec un autoportrait tout à fait inaccoutumé à tous points de vue. Un point culminant au plan personnel dans la carrière de Dürer, la démonstration de sa virtuosité artistique, un symbole, la mise en application de sa recherche sur l’écriture et sur les proportions humaines. C’est là une performance extrêmement remarquable dans le paysage de l’art de son temps et de l’art du portrait en particulier. Ce tableau est un portrait amalgamé à une peinture religieuse qui a été considéré comme scandaleux et prétentieux par plusieurs chercheurs, encore que pour d’autres, qui se fient à la biographie de Durer, protestant dévot, le message est différent. Il émanerait de la dévotion à Jésus doublée d’un sentiment religieux profond, en accord avec les valeurs protestantes. Quoi qu’il en soit, Dürer est un artiste exceptionnel, de premier plan en même temps qu’un intellectuel qui a surpassé ses maitres et d’autres artistes de son temps.
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