Ether et matière - portrait à l’aquarelle
La plupart des portraits classiques sont communément réalisés avec des peintures à l’huile. Cette technique est agréable à utiliser en raison de la flexibilité du matériau, la longue durée nécessaire pour faire sécher le tableau, opérer facilement des rectifications et des additifs. Également en raison de l’opacité et la durabilité de la peinture et de la toile qui permettent un travail lent sur strates. La peinture à l’huile permet un travail continu et un nombre infini de corrections. Au contraire, l’aquarelle appliquée sur du papier est une peinture délicate. La rencontre entre le papier et l’élément liquide des couleurs est par conséquent un défi ambitieux. D’un côté, le recours à l’eau exige de manier la peinture, contrôler la couleur et travailler sur des couches fines. De l’autre, le papier ne tolère pas de grandes quantités d’eau. Même avec du papier spécialement conçu, extra épais, sa capacite d’absorption reste limitée et par conséquent la quantité de corrections l’est aussi. L’aquarelle nécessite une grande habilité, tout à la fois pour contrôler la mobilité de l’eau sur le papier, pour travailler les couches transparentes, manipuler les couleurs entre le mixage et la séparation et enfin pour la supervision stricte des marques sur le papier, étant donné que les aquarelles continuent à évoluer quelques instants après avoir été mises en contact avec le papier.
Un artiste expérimenté va développer une méthode qui lui permettra de manœuvrer entre l’eau et le papier, éléments opposés qui doivent cependant coopérer. Sandro Lieberman (1923-1977) est un de ces artistes, lui qui a peint un portrait de l’auteur S.Y. Agnon en aquarelle (51x66 cm). Le portrait est monochrome: noir. L’artiste a savamment manipulé l’eau de manière à créer les nombreuses tonalités intermédiaires, ombres et détails des bordures. La lumière n’est en fait que le papier lui-même, exposé avec exactitude et incolore.
L’artiste procède ici avec une habileté suprême entre le papier et l’eau. Le tableau traduit le fait que l’artiste s’est astreint à un minimum de macules et de traits sur la page. Ce faisant, l’artiste a créé un portrait impressionnant, réaliste et rempli d’expression. Malgré l’aspect inégal, légèrement impressionniste et le cadre captivant, on y dégage bien l’âge de l’auteur et son activité: la tête penchée sur un livre. Le livre est représenté au moyen d’un minimalisme extraordinaire, un trait foncé à l’instar d’un déploiement d’ailes d’oiseau, au-dessous duquel le tableau se meurt sur la blancheur de la page et au-dessus le profil des pages du livre. L’expressivité méditative est obtenue par les taches et l’imprégnation de la page, la concentration de cernes noirs sous les yeux, traits noirs appuyés pour les sourcils, sculpture du nez et du visage; des plages lumineuses ornent le front, le bas des yeux et l’ovale du visage bien descriptifs de l’individu. Si peu de traits, tant d’expressivité. En quelques traits évocateurs, l’artiste glisse des détails sur l’auteur, son style de vie et son statut: une kippa, un veston et une cravate, un livre brossent les traits fondamentaux de l’individu. La magie de ce tableau réside dans l’usage délicat de l’aquarelle noire, qui danse puissamment sur le papier tout en laissant de l’espace pour y déployer le blanc, dégageant ainsi un mouvement aérien du sujet. Ce mouvement aérien qui interprète peut-être aussi la spiritualité de l’auteur.
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