Portrait de la Sainte Famille et fêtes chrétiennes
En décembre, on célèbre une des fêtes les plus importantes de la chrétienté. On en a surtout conscience à cause du scintillement des magasins en fête ; ces festivités-là sont célébrées partout dans le monde. Internet explose de promotions pour les fêtes, de photos en rouge-vert-blanc, Père Noel et sapins et tout ce qui orne et embellit les célébrations des fêtes et des réveillons.
Mais par-delà ces manifestations extériorisées, faites de promotions bien huilées par le business des compagnies de pub, on n’oublie pas qu’il s’agit d’une solennité que la tradition chrétienne célèbre comme la naissance du Sauveur, ou si l’on préfère de Jésus, Fils de Dieu.
L’histoire de la naissance miraculeuse de Jésus a son origine dans les fondements de la foi chrétienne. Tout commence dans l’Evangile selon Luc, où l’on apprend qu’un ange est envoyé par Dieu annoncer à Marie, jeune vierge, qu’elle va mettre au monde le Fils de Dieu. Marie était alors fiancée à Joseph le charpentier qui, par inspiration divine, s’avisa de la sainteté de cette grossesse et remplit un rôle majeur, tant comme époux de Marie que pour le divin enfant. En termes théologiques on dit que Le Verbe s’est fait chair.
C’est ainsi que la Sainte Famille apparait dans l’art occidental dans un grand nombre d’œuvres liées à l’histoire chrétienne. Le noyau familial inclut Marie, Joseph et Jésus. Leur représentation varie selon la période, la mode et la croyance, parfois aussi en fonction de membres de l’Eglise qui commandent un tableau. Parfois, le bienfaiteur d’une église, qui a commandité une œuvre, y figure aussi, vêtu de vêtements contemporains, dans le cadre de son environnement familier. Souvent la Sainte Famille est peinte dans le contexte d’une modeste demeure de charpentier, son atelier et ses outils y sont minutieusement décrits. Il arrive également que d’autres personnages figurent dans l’œuvre, comme Saint Jean, toujours légèrement plus âgé que Jésus, en compagnie de la sainte Mère. Les personnages ajoutés sont très variés et jouent un rôle symbolique, tout comme d’autres éléments de l’art hollandais, en fonction de la période et du lieu.
Durant l’Age d’Or hollandais, au XVIIe siècle, on observe l’éclosion d’un grand nombre d’œuvres d’art religieux à côté d’œuvres profanes. C’est la première fois dans l’histoire que l’art profane ou du moins Protestant est légitimisé. Les œuvres religieuses hollandaises ont un caractère unique à cette époque en ce qu’elles offrent des scènes et des figures très différentes des images religieuses traditionnelles, plusieurs d’entre elles ont une allure profane. Ces images peignent la vie quotidienne hollandaise et il n’est pas toujours aisé d’identifier les personnages sacrés et les moments historiques.
Ces tableaux contiennent des éléments symboliques qui sont typiques de l’art hollandais de cette époque. Ils exigent de la concentration et une longue observation pour pouvoir identifier tous les détails et déchiffrer leur signification. Ces images religieuses décrivent la Sainte Famille avec la même douceur typique de l’esprit du temps et de la région ; des figures humaines dans la chaleur d’un foyer impliquent harmonie et amour. Dans de tels foyers, souvent apparait un chat qui participe à la vie de famille. Il semble apparemment surprenant et sans lien, davantage relevant d’œuvres profanes. De fait, le chat est un personnage récurrent dans l’art hollandais avec des significations variables qui se classent dans plusieurs catégories possibles. Le chat, comme d’autres éléments de la peinture hollandaise, est toujours l’indice de quelque chose de transcendant. La plupart du temps, il indique une leçon de morale, un secret ou un avertissement contre des comportements humains déshonorants.
On connait l’image de l’agneau, souvent placé aux côtés de la Sainte Famille. Dans certains cas l’agneau remplace Jésus. L’agneau ou le mouton sont le symbole de Jésus dans tous les cas de figures. Le symbole éternel de la victime propitiatoire et la représentation du Dieu berger de ses ouailles. Il est à la fois Dieu et homme, de la même nature que ses ouailles pendant sa vie terrestre et une verge foudroyante pour tous les péchés du monde.
Par contraste, la présence du chat dans des tableaux de la Sainte Famille est extrêmement mystérieuse. Il ne symbolise en aucun cas la sainteté. De plus, dans le foyer de la Sainte Famille, il ne peut y avoir de critique morale, de secret embarrassant ou de parabole d’ignominie. Alors, que signifie le chat ?
Pour pouvoir répondre à cette question, il nous faut comprendre qu’au delà de l’intention de l’artiste hollandais de transformer la Sainte Famille en une famille hollandaise et vice versa, le chat semble symboliser quelque chose du monde matériel. Dans les écrits historiques depuis l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle, le chat symbolise certaines valeurs comme la naissance, la chasse ; il est parfois l’allégorie du sexe et de la traitrise. Mais il peut également figurer une mascotte, celle du protecteur de la grange pour les fermiers ou le protecteur du navire pour les marins. Le chat, est considéré comme un exterminateur de nuisibles mais aussi l’ incarnation ancestrale de la déesse de la fertilité, protectrice de la mère et de l’enfant car il était regardé comme une mère dévouée qui prend soin de ses petits,, les nourrit et les protège avec abnégation.
Si bien que lorsqu’on rencontre un chat dans une Sainte Famille hollandaise, cela symbolise probablement l’engourdissement des envies temporelles dans le saint giron. Un chat assis sagement près d’un oiseau ou d’un chien est semblable à la métaphore du « loup vivant en bonne intelligence avec l’agneau et le léopard couché auprès de la chèvre » du Livre de Ezekiel. Il symbolise la paix céleste à la fin des temps. Mais le chat seul dans la Sainte Famille demeure un mystère.
Le chat qui parfois est allongé près d’un bol de nourriture et près du feu évoque semble-t-il les besoins terrestres du commanditaire du tableau, associés aux valeurs de la vie de famille, comprenant les soins à donner à des petits enfants. Une nourriture chaude, l’âtre allumé, la loyauté, l’amour et la sécurité. Les chats aiment la chaleur et ce n’est pas par hasard que la coexistence entre lui et l’humain s’est développée. Dans la Sainte Famille, il n’y ni chasse, ni péché et pas de souffrance. Le foyer est chaud et nourricier, choyant et réconfortant, comme la foi dans le cœur d’un bon chrétien.
Details du tableau: Rembrandt, La Sainte Famille. La famille du bûcheron, 1646, huile sur toile, 46.8 x 68.4 cm, La Haye : collection privée Willem Lormier.